Est-il vraiment nécessaire d'ajouter ses initiales (paraphes) sur les documents signés électroniquement ?
Avec l'utilisation de plus en plus croissante de la signature électronique au cours des dernières années, certaines mauvaises pratiques (pour ne pas dire erreurs) sont également apparues*. Elles sont difficiles à repérer ou à remettre en question car elles s'appuient généralement sur de pratiques papier si profondément ancrées dans nos activités quotidiennes que nous pensons qu’elles fonctionneront également dans le monde numérique. Cependant, comme nous le verrons plus loin, la signature électronique a ses propres règles et mécanismes qui rendent ces pratiques obsolètes. C'est pourquoi nous avons décidé de compiler une série d'articles scrutant, une par une, les plus courantes. Dans ce premier article de la série, nous aborderons la pratique d'ajouter des initiales (paraphes) sur un document numérique.
Parapher des documents papier : pour quelle(s) raison(s) ?
Parapher chaque page d’un document papier est une pratique courante rencontrée lors de la signature de contrats ou de documents juridiques représentant un fort enjeu. Bien que fastidieuse et chronophage (imaginez le fait de parapher un contrat de 50 pages !), cette pratique a été développée pour lutter contre la fraude lors de la signature de documents papier. Elle sert deux objectifs principaux :
- Confirmer que le signataire a examiné et validé chaque page du document ;
- S’assurer que l’une des parties signataires ne modifie pas le contenu des pages individuelles ou n’ajoute pas de nouvelle page après la signature du document, modifiant ainsi son contenu.
Le paraphe sert de mesure de précaution destinée à protéger l’intégrité du document signé. Il est intéressant de noter que l’ajout d’initiales sur chaque page d’un contrat n’est pas une exigence légale pour qu’une partie exprime son consentement ; une signature est suffisante pour créer un contrat valide (en vertu du droit luxembourgeois, au moins). Même si l’accord n’est pas paraphé ou si les initiales sur une seule page sont manquantes, la signature est toujours valide et les signataires sont liés par les conditions générales définies dans le document.
Dans certaines juridictions, les initiales peuvent être considérées comme un élément supplémentaire pour étayer un accord contraignant en cas de litige ; c’est pourquoi nous vous conseillons de vérifier chaque législation locale avant d’agir.
Néanmoins, cette pratique est devenue si familière et fréquente qu’elle a également été transposée dans le monde numérique. Étant conscients du sentiment d’assurance que cela confère et jouant sur celui-ci, certains fournisseurs de signature électronique la proposent aux clients comme une fonctionnalité supplémentaire, suggérant qu’il s’agit d’une couche de sécurité supplémentaire. En tant qu’êtres perclus d’habitudes, les individus peuvent facilement l’accepter sans le remettre en question.
Parapher des documents numériques : c’est juste du marketing !
L’ajout d’initiales sur des documents numériques est inutile, car les mécanismes inhérents à la signature électronique traitent les deux principales raisons existentielles du paraphe.
La signature électronique a, entre autres, pour rôle de protéger l’authenticité et l’intégrité de l’ensemble du document (pas uniquement celles de la page où la signature électronique est visible). Sa principale caractéristique, « ce que vous voyez est ce que vous signez » (What You See Is What You Sign, WYSIWYS), garantit que les propriétés du document ne peuvent pas être modifiées par accident ou intentionnellement après sa signature.
Tenter d’autoriser des pages individuelles n’est plus en adéquation avec les moyens de protection technique et ne peut même pas être respecté pour un document signé par voie électronique, car cela modifierait le contenu du document et romprait ainsi les mécanismes de signature électronique.
En outre, la manière dont les fournisseurs de signature électronique proposent d’appliquer les initiales numériques est généralement problématique, car il s’agit d’images apposées sur le document. Ainsi, si le document a déjà été signé, l’ajout de telles images constitue des modifications du document, ce qui à son tour rompt les mécanismes cryptographiques, rendant la signature électronique non valide.
Si la pratique du paraphe est correctement mise en œuvre pour les documents numériques, malgré son caractère inutile, chaque initiale doit être apposée à l’aide d’un moyen électronique, tel qu’un horodatage (qui peut inclure des images). Chaque page du document devant être horodatée individuellement par chaque signataire, l’intégralité des processus devient inutilement coûteuse.
Si les parties signataires veulent s’assurer que, pendant le processus de signature, chaque signataire a examiné chaque page du document, la solution de signature électronique peut alors être configurée pour obliger le signataire à lire chaque page et lui permettre de signer uniquement après avoir parcouru (fait défiler) toutes les pages. Des fonctionnalités similaires existent déjà dans l’ensemble, par exemple lors de l’examen et de l’acceptation de la mise à jour de Conditions générales, etc.
En ce qui concerne la conclusion de cet article, Thomas Kopp, notre Chief Scientist, n’aurait pas pu mieux résumer :
« Un paraphe est un acte inutile et superflu dans le cadre d’une signature digitale. Il rendrait même absurde les mécanismes d’une signature digitale. Donc, la signature digitale fournit des moyens beaucoup plus efficaces et « user-friendly » afin d’éviter l’anachronisme du monde papier. »
Nous espérons avoir apporté une certaine clarté sur le paraphe d'un document numérique. S'il y a un aspect que nous n'avons pas couvert ici ou si vous avez des questions, vous pouvez nous contacter ici. Sinon, restez à l'écoute pour le prochain article sur l’utilité d’apposer plusieurs signatures électroniques (provenant du même signataire) sur un seul document numérique.
* Pour être précis, nous faisons référence aux pratiques les plus courantes liées aux signatures reposant sur des certificats en format PAdES.
**Cet article a été écrit à l'origine en anglais et a été traduit en français.
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